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L'Orgue de barbarie

L'Orgue de barbarie

D'où vient l'expression "Orgue de Barbarie" ?

Les légendes côtoient souvent les réalités historiques pour expliquer ces instruments de musique fascinants.

Les pays francophones sont les seuls à utiliser l'expression "Orgue de Barbarie" quand les anglais parlent de "Barrel Organ" pour orgue à cylindre, même si l'orgue de barbarie utilise des cartons. Les allemands sont plus pragmatiques et parlent de "Drehorgel" pour l'orgue que l'on tourne. Les italiens évoquent un "Organo portatile" (orgue portable, qui est historiquement censé)

Des origines venues d'Italie ?

Ce serait précisément à Modène qu'un facteur d'orgues du nom de Barberi (ou Barbieri) aurait été l'un des premiers a avoir conçu un tel orgue au XVIIIème siècle et dont un exemplaire se trouverait dans les collections du Museo Civico de Modène. Malheureusement, l'absence de documents historiques autour de ce personnage et le fait que l'expression Organo di Barbieri ne soit pas retenue dans la langues laisse perplexe. En outre, Barbieri est un nom très courant en Italie.

Les origines de l'orgue de barbarie

Explications issues des "Essais de musicologie et autres fantaisies" publié en 1980 par André Schaeffner, fondateur et directeur du département d'ethnologie musicale au Musée de l'Homme.

En se focalisant sur la recherche autour des expressions polyphonie et hétérophonie, André Schaeffner est venu à analyser une description assez parlante qui remonte au XVIIème siècle. Il s'agit d'un extrait des "Essais de physique" rédigé par Claude Perrault (1613-1688), un homme de science particulièrement intéressé par l'acoustique qui fut l'un des premier à différencier le bruit des sons ou notes :

parmi les nations barbares [...] la symphonie de la Musique consiste dans un bruit confus pour ce qui est des tons, mais fort bien réglé à l'égard du mouvement, nous en avons vu un échantillon il n'y a pas longtemps dans le concert des Hiroquois qui furent amenez en cette ville...

Le terme "barbares" a évidemment son importance, employé ici au sens de l'époque, c'est à dire pour désigner des étrangers. Il est également important de saisir le terme de "mouvement" qui désignait à cette époque le rythme musical. Tout au long de cette description, Perrault marque l'importance de la précision rythmique au détriment de la tonalité, souvent confuse, que l'on pourrait tout à fait attribuer à des instruments désaccordés.

Des Iroquois de Barbarie (de l'étranger, de l'étrange)

Quiconque a déjà entendu un orgue de barbarie mal réglé jouer "plein pot" trouvera une ressemblance certaine avec la musique de ces "Hiroquois". C'est également de cette même époque que date la gravure "L'orgue de Barbarie ou plutost d'Allemagne" de Edme Bouchardon (1698-1762) représentant un tourneur d'orgue de barbarie.

Ce spectacle donné au théatre italien de Paris au XVIIème siècle pourrait donc avoir été un élément central dans la découverte de cet instrument de musique mécanique si particulier en France et en Europe. Si l'on se sait pas très bien ce que contenait les premiers orgues, on peut sans doute affirmer que sa facilité de fabrication la vite rendu populaire notemment pour attirer l'attention de généreux donateurs dans les rues...

L'orgue de Barbarie de Rameau

L'expression "Orgue de barbarie" a longtemps retenu les attentions, souvent posé en énigme depuis le XVIIIème siècle comme en témoigne un texte dédié à son Altesse Sérénissime Monseigneur le Prince de Conty, paru en 1721 :

Je suis un corps piramidal,
Compofé de plus d'une pièce,
Qui quoique de femblable efpece,
En grandeur néanmoins n'ont rien que d'inégal.

Un même lieu les affemble ;
Sans pourtant les laiffer s'approcher de trop près :
Ordre qu'il faut garder en les mettant enfemble,
Autrement l'on n'en peut efpérer de fuccès.

Lorfque pour mon ufage on vient me bâtonner,
Aux coups que je reçois je réponds à merveille,
Vous qui cherchez le nom qu'on me doit donner,
Sachez que je ne puis contenter que l'oreille.

[...]

Les Orgues de Barbarie

Il est intéressant de noter que le terme "Barbarie" au sens étrange / étranger (non péjoratif) a longtemps défini à lui seul l'expression "Orgue de Barbarie" : ici, nul question de l'instrument de musique mécanique que l'on connait mais plutôt d'un instrument à vent pyramidale que l'on bâtonne en lieu et place de la manivelle.

André Schaeffner désigne un xylophone ou un métallophone rapporté des Indes (au sens large puisque cela pouvait comprendre l'Indonésie) qui correspond à cette description. Il a longtemps été détenu par Rameau, intrigué par l'accord particulier de cet instrument, d'où le nom d'Orgue de Barbarie de Rameau, bien qu'il n'y ait finalement aucun rapport apparent avec les instruments à vent et à carton d'aujourd'hui.

Sources et bibliographie pour découvrir l'orgue de barbarie

  1. Philippe Rouillier de la Féfération Internationale de Musique Mécanique
  2. Zeraschi, l'Orgue de Barbarie (Payot, édition française, 1981)
  3. Catalogue de l'exposition de musique mécanique de Bagatelle (1980)
  4. André Schaeffner, recueil de 17 articles intitulé "Essais de musicologie et autres fantaisies" publié en 1980 au Sycomore à Paris.
  5. Groves, dictionnaire encyclopédique de la musique (en anglais, environ 30 volumes)
  6. Premier voyage du sieur de La Courbe... publié par Cultru (Paris, Champion et Larose, 1913)